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Cet « Amour » là…

"Amour", un film de Michael Haneke (2012)

 

  Du 16 au 22 janvier 2013, le partenariat "Telerama/Salles Art et Essai" permettait de s’offrir des places de cinéma à 3 €. L’occasion de participer à ces « séances de rattrapage » pour voir (ou revoir) une sélection de films sortis en 2012.

Dans ma programmation, j’avais coché « Amour », de Michael Haneke. Un film qui se regarde, en spectateur, puis dans un second temps, qui se vit de l’intérieur, parce qu’après la projection, il reste là, il nous travaille, il nous questionne. J’ai vu « Amour » en fin de journée, j’ai peu dormi la nuit qui a suivi… Ce film, il faut le « digérer »…

 

D’abord, il y a la phase de visionnement, où l’on entre dans l’histoire en entrant tout simplement (tout simplement, quoique… ) par la porte de l’appartement. On s’installe. On vit au rythme du couple et de son bonheur quotidien. Survient le moment d’absence d’Anne (Emmanuelle RIVA), sa courte déconnexion du réel,  sa perte de mémoire. Retour de l’hôpital en fauteuil roulant. Et c’est là que commence la lente avancée dans une maladie dégénérative au cours de laquelle elle sera toujours accompagnée par Georges (Jean-Louis TRINTIGNANT), qui sait adapter ses réponses à chacun des besoins de sa femme.

La maladie est montrée avec tous ses visages et ce sont des bouffées de mal-être qui nous envahissent devant des scènes qui n’ont rien d’une fiction tellement elles sont calées sur le réel. Un couple a quitté la salle pendant la projection.

Dérangée, je l’ai été moi aussi. Pas tout de suite. J’ai même trouvé, jusqu’à la deuxième attaque que subit Anne, des moments gais, drôles, où j’ai souri. Et puis le malaise s’installe doucement, chez le spectateur comme dans l'appartement. Il ira crescendo et ne nous lâchera plus jusqu’à la fin du film.

Crescendo. Une touche musicale. Une touche de sensibilité. Celle de Schubert avec ses impromptus et bagatelles, déroulés au piano en accompagnement de cette fin de vie qui se joue sous nos yeux. Car c’est bien cela qui dérange : assister à une fin de vie sans économie des moments les plus humiliants pour Anne, les plus dévastateurs. Climat oppressant pendant ces scènes dont on voudrait qu’elles se terminent vite tellement elles sont douloureuses, hurlantes de cette vérité en forme de fatalité à laquelle on sait bien qu’Anne n’échappera pas.

Il faut saluer l’interprétation magistrale d’Emmanuelle RIVA et de Jean-Louis TRINTIGNANT qui réalisent là, tous les deux, une véritable performance d’acteur. Leur jeu est véritablement impressionnant.

Oui, ce film est « dérangeant » et l’on a l’impression de revenir d’une autre planète lorsque l’on sort de la salle. On est bousculé par cette histoire qui se détache de la fiction pour nous livrer des moments qui s’apparentent fortement au documentaire, qui s’apparentent aussi, quelque part, à nos moments vécus, ceux qui font partie de notre histoire, épisodes plus ou moins proches, plus ou moins enfouis dans nos mémoires.

En même temps, « Amour » est bouleversant. Bouleversant par ce débordement d’émotions suscitées par l’image de cette union parfaite entre deux êtres dont l’un retient avec toute son énergie et sa tendresse l’autre qui s’échappe, qui se perd. Bouleversant aussi par cet acte d’amour ultime, inévitable, effroyable… et, paradoxalement, apaisant. Curieusement, cet attachement de l’un pour l’autre,  en filigrane de tout le film, révèle toute sa beauté et sa noblesse dans  « l’après-visionnement », lorsque l’on est parvenu à dépasser la douleur des images et des émotions pour atteindre et comprendre la lumière, le rayonnement de l’Amour qu’Haneke dépeint. Il m'aura fallu plusieurs jours pour être capable d'apprécier sereinement cette tragique mais si belle et émouvante histoire…

Alors, le titre du film prend tout son sens et après nous avoir fortement dérangé, bouleversé, impressionné, l’histoire nous séduit, nous faisant toucher la dimension du Beau, du grandiose mais aussi de l’humilité.

 

« Amour » fait réfléchir. On en ressort… différent.

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Déjà Palme d'Or au Festival de Cannes 2012, "Amour" se voit récompensé en 2013 de cinq prestigieux Césars (meilleurs film, réalisateur, scénario, actrice et acteur) et de l'Oscar du meilleur film étranger.

 

5 Commentaires

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  1. Nini

    Oh ! je voulais le voir et je l'ai raté ! j'hésite à lire ta critique en entier, je me demande si ce n'est pas mieux que je voie le film d'abord… même si c'est tentant de dévorer ce que tu as écrit tout de suite !

  2. Nini

    bon ben j'ai tout lu…

    1. Marie

      Et alors ?

  3. Nini

    Et alors, ça attise ma curiosité ! Je suis contente que tu ne racontes pas tout, que tu laisses le mystère, c'est juste ce qu'il faut pour nous plonger déjà un peu dans cet univers. Je m'attends à ressentir tout un tas d'émotions du coup… je te dirai ça quand je l'aurai vu. Gros bisous Mamon ! 

    1. Marie

      Alors on en discute bientôt ! Nous n’aurons sans doute pas les mêmes ressentis sur certaines séquences, car pas le même vécu, pas les mêmes images en mémoire. Et ce sera justement intéressant d’échanger et partager là-dessus. A bientôt ma fille !

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